Passer du « pouvoir sur » au « pouvoir avec » pour changer de cap
Si vous vous rappelez nos articles précédents inspirés du livre de Sébastien Bohler, Le Bug Humain, vous aurez compris au titre de cet article que le sujet dont il est question se rapporte à l’un des cinq besoins fondamentaux de l’homme tels que décrits par l’auteur : le statut social. Les quatre autres étant : manger, se reproduire, collecter un maximum d’informations et le tout en minimisant les efforts octroyés.
Sébastien Bohler nous présente le « statut social » tel qu’on l’entend souvent notamment dans les médias : le pouvoir, la Rolex, les dîners au homard et les privilèges associés à l’argent et à la situation sociale. Les études scientifiques tendent à montrer que le besoin de l’homme est davantage celui du lien social, de l’appartenance, plutôt que celui du statut social, du pouvoir comme Sébastien Bohler tend à le décrire. Et si la thèse de l’auteur, centrée sur cette notion de pouvoir, permet d’expliquer le lien de cause à effets entre notre désir de pouvoir et des phénomènes comme la surconsommation ou les dépendances aux réseaux sociaux, elle omet d’autres dimensions telles que notre capacité de notre besoin d’être en lien, notre capacité de collaboration, de compassion pour ne citer que celles -ci.
Dans son ouvrage, Sébastien Bohler renforce la vision « Darwinienne » de compétition encore très ancrée dans l’imaginaire collectif (alors même que celui-ci dans sa théorie de l’évolution parle de coopération). En effet, selon Sébastien Bohler, parce qu’être d’un rang social élevé nous permet de satisfaire plus facilement d’autres besoins fondamentaux (l’accès à davantage de partenaires sexuels notamment), nous aurions ancré dans notre cerveau un besoin quasi incontrôlable d’être « au-dessus des autres ». Il explique en s’appuyant sur ce point plusieurs phénomènes de notre société actuelle, la fascination pour les célébrités, les addictions aux réseaux sociaux où nous pouvons tous avoir un nombre important de fan ou de followers, la surconsommation qui découle de notre penchant à vouloir posséder et multiplier les signes de notre statut social.
La catastrophe écologique serait donc le résultat de la combinaison entre notre cerveau sous le diktat du striatum et la puissance technologique que nous avons acquise. Notre intelligence nous a rendu capables de créer tous les objets possibles et imaginables pour satisfaire nos besoins fondamentaux mais malheureusement la soif de notre striatum est inextinguible.
Les enjeux auxquels notre monde fait face sont complexes, nombreux, intriqués les uns aux autres et pour couronner le tout, notre cerveau serait contre nous ! Les carottes seraient-elles cuites ?
En tant que coach, nous croyons (pour en être témoin régulièrement avec nos clients) à la force du rêve, des valeurs, du sens … et combinée à notre capacité de collaboration, cela permet de grandes et belles choses. Cette conviction nous amène à nous interroger sur l’impact de notre capacité sociale et à celle de la collaboration sur la construction d’un futur durable et désirable.
Si nous sommes en désaccord avec Sébastien Bohler lorsqu’il présente notre désir de statut social, comme un désir de domination, rappelons-nous en revanche que l’un des besoins fondamentaux de l’homme est bien un besoin social. Ce besoin profond relève du désir d’appartenance à un groupe social et d’y apporter sa contribution. Il ne s’agit pas de dominer les autres, mais de faire partie et de contribuer au groupe. Ce besoin de lien social est largement discuté et étudié en ces temps COVID-19 où nos liens peinent à s’épanouir malgré les technologies très sophistiquées. Il y a quelque chose qui va au-delà du son et de l’image que nous permettent skype et zoom …
En tant que coach, nous ne pouvons que célébrer la beauté du lien et la magie qui s’opère lorsqu’il y a lien. Celui-ci, profondément ancré en nous, est relié à notre instinct le plus profond : le besoin de survie. En effet, l’homme n’étant ni le plus rapide, ni le plus fort des êtres vivants peuplant la terre, il a vite compris que sa survie dépendait du groupe. En cas de pénurie de vivre, l’homme a bien compris que le groupe aurait plus de chance de perdurer si chaque personne avait une portion de vivre que si les vivres étaient mangées par les chefs. C’est ainsi que la capacité du lien et de collaborer se sont au fil du temps inscrit dans nos systèmes de fonctionnement.
Ce point a été étudié par plusieurs psychologues dont le plus célèbre est Abraham Maslow en 1943 avec sa fameuse pyramide. Une série d’études plus récentes menées par des chercheurs de Harvard sur plus de 75 ans a révélé que les êtres humains qui sont heureux sont ceux qui entretiennent des relations sociales de qualité tout au long de leur vie. Ainsi, ce n’est pas la quantité d’amis que l’on a, mais bien la qualité des relations que l’on entretient avec eux qui est importante pour notre bonheur.
Dans un monde qui ne serait pas en danger, nous n’aurions qu’à nous préoccuper de la qualité des liens que nous entretenons avec les autres et tout serait léger. Malheureusement nous devons faire face à des dangers qui menacent le monde tel que nous le connaissons et surtout la survie d’une grande partie de la population mondiale. Pendant longtemps (et encore aujourd’hui pour encore trop de personnes), les catastrophes qui menacent notre monde sont loin (feux en Australie, en Californie, fonte des calottes glaciaires, etc.) et nous avons l’impression que nous serons préservés. S’il y a bien un aspect positif à la pandémie de la COVID-19, c’est qu’elle nous fait réaliser la fragilité de nos systèmes et nous fait prendre conscience que nous sommes tous en tant qu’humain unis par une communauté de destin.
De la même manière que face à cette crise sanitaire nous nous organisons pour continuer à faire société ensemble (de nombreuses initiatives telles que celles de la création de la plateforme #poureux qui livre des repas préparés par des particuliers aux sans-abris ont vu le jour pendant la période de confinement), nous défendons que faire société ensemble est essentiel pour construire le monde de demain. Les sujets à adresser pour que notre monde puisse durer sont nombreux ; Julien Dossier nous parle de 24 chantiers dans son livre La Fresque de la Renaissance Ecologique, et ces chantiers sont liés les uns aux autres. Par conséquent, face à la menace d’un effondrement (tout ou en partie) de notre monde, nous devons à la fois agir au niveau individuel (c’est-à-dire faire de notre mieux sur notre périmètre d’action personnel) et également nous connecter, créer les structures de collaboration qui seront des espaces d’accueil, de partage, de paroles, permettront l’émergence de solutions et d’expérimentations.
On pourrait se poser la question de la meilleure structure pour organiser la collaboration. Nous n’avons pas la réponse à cette question, et en même temps, une chose nous semble sûre, la structure pyramidale ne semble pas être la plus efficace pour adresser les enjeux auxquels le monde fait face. Par conséquent, la notion même du ‘haut de la pyramide’ pourrait même disparaître…
Un autre point important serait de s’interroger (et surtout de trouver la réponse) sur comment garder vivants les élans de solidarité, maintenir la prise de conscience qui semble avoir lieu avec la pandémie, pour que nous restions dans cette dynamique de coopération, d’action ensemble pour construire le monde de demain que nous voulons. Peut être que l’une des réponses est de trouver un groupe, une association, un collectif qui œuvre sur ces sujets là et de rejoindre le mouvement ? Et si passer du « pouvoir sur » au « pouvoir avec » était une des premières étapes au changement de cap ?